IMAGE : 7C0 sur Flickr

 

Dossier

 

Corps plastinés : le contexte cruel des expositions à succès

 

« Körperwelten », « Real Human Bodies » : d'où viennent les corps exposés ?

 

La question est trop importante pour rester sans réponse : les donateurs des corps présentés dans les expositions « Körperwelten » et « Real Human Bodies » avaient-ils consenti à leur utilisation ? Certains des corps exposés pourraient provenir de personnes qui ont été exécutées en Chine.

 

Dans les années 90, la technique dite de plastination inventée par l’anatomiste allemand Gunther von Hagens a acquis une grande notoriété. Elle consiste à préparer anatomiquement des corps humains ou des parties de corps. À l’origine, ces techniques étaient utilisées en médecine à des fins de formation. Von Hagens a fait de ces « plastinats » une véritable « planche à billets » en commençant à les montrer au public lors de grandes expositions. Des dizaines de millions de personnes ont déjà visité les expositions de von Hagens et d’autres expositions similaires. Mais certaines facettes particulièrement monstrueuses de ce succès commercial restent systématiquement négligées.

 

En effet, à ce jour, on ne sait toujours pas si les personnes décédées ou leurs familles ont donné leur accord pour l’utilisation de leur corps, notamment en vue de manifestations commerciales. Les soupçons sont terribles. Selon une étude sérieuse* menée au début des années 2000, certains des corps utilisés sont très probablement ceux de citoyens chinois morts ou exécutés. Il pourrait s’agir de prisonniers ou d’adeptes du Falun Gong, un mouvement interdit en Chine, ou de membres de minorités persécutées (Ouïghours, Tibétains, chrétiens). Les auteurs de l’étude soulignent l’existence d’un trafic d’organes et de cadavres à grande échelle, trafic alimentant un commerce lucratif de transplantations d’organes et de « plastinats ».

 

Sept pages de plainte contre « Körperwelten »

 

Lorsque « Körperwelten » est arrivé à Zurich en mai 2021, l’ACAT-Suisse a déposé une plainte pénale contre l’exposition. L’objectif était de vérifier le respect de plusieurs lois internationales, nationales et cantonales. Mais aussi bien le Ministère public que la Ville et le Canton de Zurich ont décidé étonnamment vite qu’il n’y avait rien à redire à l’événement. Ceci est tout de même choquant quand on sait qu’en 2018, une exposition similaire (« Real Human Bodies ») avait été interdite par la Ville de Lausanne et poursuivie par la justice bernoise. Dans les deux cas, c’est l’ACAT-Suisse qui a donné le coup d’envoi de la procédure et suscité des inquiétudes au sein des autorités et de la justice.

 

Par respect pour les membres de minorités persécutés et potentiellement abusés après leur mort, nous continuerons à travailler sur le sujet. L’objectif est d’obtenir une décision juridique qui, à l’avenir, devrait mettre un terme à de telles expositions tant qu’il existe le moindre doute quant à l’origine des corps et au consentement des victimes et de leurs proches.

 

En savoir plus :

 

→ lire notre communiqué « Plainte de l’ACAT contre Körperwelten : le ministère public renonce à une enquête » du 8 juillet 2021, avec une liste de sources et de textes juridiques possiblement violés



* E. a. China Organ Harvest Research Center (2017). «The Killing of Prisoners of Conscience for Organs in China».