Pétition Vendredi saint 2019
Besoin d’un message clair des entreprises
De nos jours, les entreprises veulent se targuer d’une responsabilité sociale.
De grandes promesses ornent les pactes internationaux et les philosophies d’entreprise. L’ACAT-Suisse veut maintenant pousser la puissante Nestlé à prendre position contre la peine de mort – et pour la dignité humaine.
Dignité humaine, égalité, justice sociale ... des notions qu’on devrait retrouver au-delà des Églises, des cercles de philosophie et des ONG. Et de fait, l’économie a de plus en plus conscience que la responsabilité sociale – et écologique – apporte davantage qu’un rafraîchissement de l’image de marque. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises sont convaincues que des pratiques commerciales responsables et durables sont indispensables pour asseoir durablement leur position sur le marché.
Profiter de la bonne réputation des Nations Unies ?
La sensibilité croissante pour les thématiques liées aux droits humains se reflète dans le Pacte mondial des Nations Unies, qui vise une mondialisation respectueuse de normes socialement et écologiquement acceptables. À la mi-2018, 13 000 participants s’étaient engagés à appliquer ses dix principes, dont 10 000 entreprises ainsi que des institutions de recherche, des associations d’entreprises et des organisations de travailleurs, des communes et des acteurs de la société civile.
Toutefois, le Pacte mondial n’a pas encore changé, ni embelli le monde. Il fait l’objet de critiques acerbes : on dénonce la trop grande souplesse des normes, le manque de contrôles et une récupération à des fins publicitaires. La fondation Weltethos, par exemple, écrit que les entreprises participantes ne sont pas tenues de prouver qu’elles respectent les normes sociales et écologiques minimales, mais se drapent dans la bannière bleue de l’ONU pour profiter de la bonne réputation de cette dernière (« bluewashing »).
L’économie tâte le terrain
Le large soutien accordé à l’initiative suisse pour des multinationales responsables ou les débats sur les changements climatiques du dernier Forum économique mondial le montrent clairement : les choses doivent et vont bouger. Les magnats de l’économie tâtent le terrain. Une bonne nouvelle pour les acteurs de la société civile tels que les organisations de défense des droits humains : parmi les entreprises, les alliés potentiels sont toujours plus nombreux.
Nestlé s’affirme …
Prenons Nestlé. Jusqu’ici, ce géant de l’alimentaire basé en Suisse ne s’est pas exactement distingué par une protection exemplaire des droits humains – un passé avec lequel l’entreprise tente maintenant de rompre. Difficile de manquer, dans sa communication, une volonté affichée de s’engager pour « un avenir sans déchets » ou « l’amélioration des conditions de vie ». Nestlé a d’ailleurs rejoint le groupe des chefs de file du Pacte mondial. Le but ici n’est pas d’examiner si son engagement porte des fruits ou non. Ce qui est pourtant sûr, c’est que Nestlé est devenue un nouvel interlocuteur pour les revendications relatives aux droits humains.
… et doit maintenant prendre position
L’ACAT-Suisse est donc convaincue que le moment est bien choisi pour aborder avec Nestlé la question de son engagement. Des organisations luttant contre la peine de mort aux États-Unis nous ont expliqué à quel point le soutien de cette entreprise pourrait être important et peser en faveur de l’abolition.
La Virginie et la peine de mort
8 Mio. | Nombre d'habitants |
1277 | Nombre d’exécutions avant 1976 |
113 | Nombre d’exécutions depuis 1976 (année où la Cour suprême américaine a autorisé le rétablissement de la peine de mort après neuf ans de moratoire) |
2. | après le Texas, la Virginie est l’État ayant le plus exécuté depuis 1976 |
60 | Nombre de personnes dans le couloir de la mort en 1999 |
2 | Nombre de personnes dans le couloir de la mort en 2019 |
1 | Depuis 1973, un condamné à mort a été libéré après l’établissement de son innocence |
18 % | Pourcentage des peines de mort renversées en appel depuis le milieu des années 70 jusqu’en 1995. Au niveau national et pour la même période, ce chiffre se monte à 68%. |
2011 | Année de la dernière condamnation à mort |
La méthode d’exécution est l’injection létale, à moins que le condamné ne demande à être exécuté par électrocution.
Sources : Death Penalty Information Center, American Civil Liberties Union, Readthinkact.com
Jerry Givens, l'ancien bourreau de l'État de Virginie, s'engage aujourd'hui contre la peine de mort. Nous l'avons rencontré.
«Rencontre avec un ancien bourreau»...
Dans sa pétition (récolte de signatures terminée), l’ACAT-Suisse prend Nestlé au mot. En effet :
- Dans sa philosophie d’entreprise, Nestlé déclare que « pour s’assurer un succès durable, [l’] entreprise doit créer de la valeur, non seulement pour ses actionnaires, mais pour la communauté toute entière. »
- Nestlé compte désormais parmi les chefs de file du Pacte mondial des Nations Unies, s’affirmant comme un interlocuteur de poids pour les questions de droits humains.
- Nestlé est l’un des mécènes fondateurs (founding patron) du programme d’action des Nations Unies pour la paix, la justice et des institutions efficaces*. Elle reconnaît ainsi que ces trois éléments sont des piliers du succès entrepreneurial et que l’économie peut jouer un rôle crucial dans la promotion d’une gouvernance avisée et responsable à l’échelon mondial.
- Nestlé est une entreprise de tradition suisse active sur toute la planète. Elle doit non seulement respecter la dignité humaine comme une valeur fondamentale de notre État de droit, mais aussi la favoriser partout dans le monde. Étant donné que la peine de mort est incompatible avec la dignité humaine, Nestlé devrait s’engager activement pour son abolition.
CONCRÈTEMENT, nous demandons à Nestlé d’user de son influence sur les décideurs aux États-Unis, et plus particulièrement de plaider contre la peine de mort en Virginie, où l’entreprise a son siège américain. En Virginie, le nombre de condamnations à mort a drastiquement diminué ces dernières années (voir « Faits et chiffres »). Une voix puissante émanant de l’économie peut favoriser le revirement d’opinion nécessaire à l’abolition définitive de la peine de mort en Virginie. En outre, nous demandons à Nestlé de porter cette thématique à l’ordre du jour des discussions du programme d’action des Nations Unies pour la paix, la justice et des institutions efficaces.
* Action Platform for Peace, Justice and Strong Institutions